Le 29 janvier 1665, Bossuet monte en chaire dans le couvent de la Merci à Paris. Bossuet, qui n’est pas encore évêque ni le précepteur du Dauphin, bénéficie d’une solide réputation de prédicateur. De sa voix vibrante, il prononce un panégyrique de saint Pierre Nolasque (1180-1256), fondateur de l’Ordre de la Merci, dans lequel les moines s’engageaient à racheter les esclaves chrétiens en terre musulmane, quitte à échanger leur vie contre celle du captif à délivrer et prendre leur place…
L’édition scientifique de Jean-Baptiste Amadieu nous invite à ne pas céder aux sirènes de l’anachronisme et nous démontre l’incroyable plaidoyer pour la liberté et pour la dignité de la personne humaine que recèle ce texte.
Bossuet est alors à l’apogée de son talent. Ce sermon tranche avec les grandes oraisons funèbres centrées sur la critique des vanités. Le panégyrique de St Pierre Nolasque, d’une rare beauté littéraire, tour à tour lyrique, épique et mystique, dévoile un Bossuet de la tendresse, directement influencé par St Vincent de Paul.
Cette nouvelle édition établit le texte d’après la meilleure tradition philologique, indique en notes les variantes du manuscrit, fournit de nombreuses notes explicatives par rapport au lexique de l’âge classique, aux références à l’Écriture et aux Pères, et à certains tours propres à Bossuet. Le texte est précédé d’une introduction historique, littéraire et théologique par Jean-Baptiste Amadieu, ainsi que d’une note bibliographique sur l’histoire des éditions de ce sermon.
Quelques extraits du panégyrique de St Pierre Nolasque :
« Le voyez-vous, Messieurs, traitant avec ce barbare de la délivrance de ce chrétien ? S’il manque quelque chose au prix, il offre un supplément admirable : il est prêt à donner sa propre personne ; il consent d’entrer dans la même prison, de se charger des mêmes fers, de subir les mêmes travaux et de rendre les mêmes services. Prisonnier entre les mains des pirates pour ses frères qu’il a délivrés, il préfère son cachot à tous les palais et ses chaînes à tous les trésors. Il n’y a rien qui puisse égaler sa joie, et je ne m’en étonne pas. Il est libre, il est satisfait, puisque ses frères le sont ».
« Il [Jésus-Christ] nous a toujours portés dans son cœur, dans sa naissance et dans sa mort, dans son travail et dans son repos, dans ses conversations et dans ses retraites, dans les villes et dans le désert, dans la gloire et dans les opprobres, dans ses humiliations et dans ses miracles. »
« Voulez-vous vous affranchir de sa tyrannie [de l’amour-propre] ? « Dilatez-vous » : Dilatamini et vos. Laissez sortir ce captif ; laissez couler sur le prochain cet amour que vous avez pour vous-mêmes ; aimez vos frères comme vous-mêmes, selon le précepte de l’Évangile. Ne voyez-vous pas, chrétiens, que l’amour, auparavant trop captif, commence à s’affranchir en se dilatant ? »